"Le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui regardent et laissent faire !" Albert Einstein

Prism : ne supprimez pas vos comptes, triez !


Inutile de quitter Facebook, Google, Apple ou Microsoft pour renforcer la sécurité de ses données. Il "suffit" de changer son comportement en ligne.

Les révélations sur le scandale Prism, qui ont mis au grand jour la surveillance menée par les États-Unis sur les internautes et les gouvernements du monde entier, peuvent effrayer. Certains parlent déjà de supprimer leurs comptes sur les plateformes de Facebook, Apple, Google ou Microsoft. Cette position extrême peut se comprendre, au vu de l'ampleur des opérations de surveillance, qui captent toutes les données sans discernement. Mais c'est peut-être un peu exagéré pour l'internaute lambda.

Une solution intermédiaire est de trier les informations sensibles, pour les séparer du reste, dont on se moque qu'il soit accessible à la NSA ou à ses équivalents dans d'autres pays (en France, notamment). Cela permet de garder les atouts ergonomiques des services proposés par Google par exemple, où un seul compte permet d'avoir une messagerie, une suite bureautique, un agenda, un service de stockage de fichiers et, évidemment, un moteur de recherche personnalisable.

Chiffrer, chiffrer, chiffrer

Aucun service français, ou même européen, ne peut revendiquer une si vaste galaxie de services couplée à une telle facilité d'utilisation : seuls Google, Microsoft ou encore Apple sont dans la partie... et ce n'est pas près de changer, du moins sur le marché européen. Dans ce contexte, le tri d'informations est une solution intermédiaire entre l'insouciance et la paranoïa, une façon de rester tourné vers l'avenir. Cela permet de contrôler la diffusion des informations identifiées comme sensibles, mais évite de se priver totalement des services des géants américains, innovants, mais très gourmands en données personnelles.

Que faire des informations sensibles ? Il faut les protéger, évidemment. Quel que soit le service utilisé, le chiffrement des données est une première étape importante (avec les outils gratuits GnuPG pour les messages, ou TrueCrypt pour les fichiers, par exemple). C'est de plus en plus facile, avec des interfaces chaque jour moins imbuvables. Mais cela ne suffit pas. Il faut aussi choisir le pays dans lequel on souhaite les héberger. Et c'est là que le bât blesse : difficile de choisir le centre de données dans lequel ses données seront stockées, et donc la juridiction dont elles dépendront. Et même en réussissant à être hébergé en France, au vu de la série de lois sécuritaires lancée par Nicolas Sarkozy (LCEN, Loppsi 1 et 2, etc.), et reprise par Manuel Valls sous l'autorité de François Hollande, pas sûr que les données soient entre de bonnes mains.

Choisir où ses données sont stockées

L'idéal serait de pouvoir choisir le pays précisément où ses données sont hébergées. On rêve d'une interface permettant de cocher un, deux ou trois pays, et de changer à volonté. Un espace client où l'on pourrait choisir au gré de ses propres préoccupations la France, l'Islande, l'Équateur, la Russie, le Canada ou encore les États-Unis. La sélection du lieu d'hébergement dépendrait alors des pays qui pourraient se sentir menacés par les données hébergées. De quoi donner un sérieux coup de pouce à la liberté d'expression sur Internet.

Ce n'est plus tout à fait un rêve, puisque le champion français OVH a commencé à proposer de tels services courant 2012, pour les professionnels essentiellement. Mais les choses pourraient changer : "Les particuliers aujourd'hui ne sont pas prêts à payer pour un compte e-mail", nous confie le fondateur et patron d'OVH, Octave Klaba. "Mais je pense que le particulier va de plus en plus comprendre en quoi consiste le modèle économique des géants américains", ajoute-t-il, pour conclure en une question : "Les personnes sont la marchandise, veulent-elles le rester ?"


En plus de perdre en facilité d'utilisation, l'internaute devra donc aussi se séparer de quelques dizaines d'euros par an. Oui, on en est désormais certains : sur Internet, la liberté a un prix.

Guerric Poncet