Le lobby américain de l'audiovisuel et du logiciel augmente la pression sur la Suisse pour qu’elle criminalise l’échange de fichiers piratés
La liberté de télécharger est-elle en danger dans notre pays? Le lobby de l’industrie du divertissement américain, augmente la pression sur la Suisse.
Dans ses recommandations à l’administration Obama, l’International Intellectual Property Alliance (IIPA) demande que la Suisse soit inscrite sur la liste grise des pays «à surveiller» pour leur politique insuffisante en matière de défense de la propriété intellectuelle. Elle y côtoierait notamment le Tadjikistan, le Vietnam, ou le Pakistan.
Ces recommandations publiées la semaine dernière visent à influencer la rédaction du très officiel «2013 Special 301 Report». Attendu pour la fin du printemps ce document du bureau du Représentant américain au commerce (US Trade Representative) dresse chaque année la liste des entraves aux intérêts économiques états-uniens dans le monde. Le piratage de films et de musique fabriqués aux Etats-Unis en fait partie.
La Suisse est un paradis du piratage
Pour les auteurs du rapport, la Suisse n’est rien moins qu’un «exportateur majeur de contenus piratés». Et de dresser la liste des griefs: lois permissives, manque de collaboration des fournisseurs d’accès à Internet, absence de dissuasion pour les internautes qui téléchargent, utilisation abusive de la copie privée, tout y passe. Même l’Institut fédéral de la propriété intellectuelle (IPI) en prend pour son grade, accusé de ne pas en faire assez pour durcir la protection du doit d’auteur sur internet.
Tous ces points doivent être corrigés au plus vite écrit l’International Intellectual Property Alliance (IIPA), si besoin en faisant changer les lois suisses
A Berne, on juge cette critique infondée. «Nous ne sommes pas là pour défendre les intérêts spécifiques des ayants droit», rétorque Emanuel Meyer, chef juriste à l’IPI. «Nous devons rester neutres. Si nous allions dans leur sens, ce sont les consommateurs et les utilisateurs qui se sentiraient lâchés».
Le spécialiste n’est pas étonné par les attaques américaines qui durent depuis des années. Il prend néanmoins la menace au sérieux. «Nous ne voulons pas que la Suisse figure sur cette liste, mais il est probable qu’elle y soit inscrite un jour ou l’autre.» Avec quelles conséquences? «Une pression sur le pays, et probablement des suites au Parlement», note Emanuel Meyer.
Comme le secret bancaire
Ingérence américaine dans la politique suisse? «C’est au moins une incitation, explique Alexis Roussel, vice-président du Parti pirate suisse (PPS). L’IIPA est un puissant lobby et il tente de réimplanter dans le débat des pistes rejetées par le Conseil fédéral et le groupe de travail sur le droit d’auteur AGUR12».
Pour le politicien genevois, la stratégie d’attaque exposée dans les recommandations de l’IIPA pour le «2013 Special 301 Report» rappellent les assauts contre le secret bancaire. «Si le Conseil fédéral reste trop timoré et ne réagit pas, on aboutira à un échange automatique d’information et à la criminalisation de l’internaute qui télécharge des contenus de sources illicites».
Pour éviter d’en arriver là, le politicien pirate préconise l’établissement d’une citoyenneté numérique forte, garantie par un cadre juridique qui serait plus qu’une simple transposition sur internet de la protection des données. «La vie privée des Suisses est plus importante que les intérêts de l’industrie américaine du divertissement.»