Google travaille depuis des années sur un mystérieux "projet Babel" de traduction instantanée des communications vocales, audio et vidéo. Il ne s'agit plus seulement de l'outil de traduction déjà existant, mais bien d'une traduction en temps réel des paroles. Si l'existence du programme, parfois appelé "Babel fish" (poisson de Babel), a souvent été niée, il est évident que l'enjeu est si considérable que Google n'a pas pu s'en détourner une seule minute. Le point le plus difficile du développement, selon le Times (article payant) qui rapporte l'avancée de Google, est de mettre en place l'infrastructure nécessaire à une traduction imperceptible.
Hugo Barra, vice-président de Google en charge du système mobile Android, explique au journal britannique que des prototypes de smartphones sont déjà fonctionnels, particulièrement efficaces pour la traduction de l'anglais au portugais par exemple. "Cela fonctionne presque à 100 %" lorsque c'est utilisé "en environnement calme", ajoute-t-il, reconnaissant que les bruits d'ambiance peuvent encore largement interférer.
Microsoft a aussi son projet
Si Google est habitué à traiter des requêtes textuelles en quelques millisecondes pour son moteur de recherche, l'analyse de la parole n'est pas aussi facile. Le poids des données est multiplié par mille en comparaison avec du texte simple, tout comme la puissance de calcul nécessaire. De quoi faire chauffer les processeurs ! La transformation de l'audio en texte, pour que le serveur puisse le traduire, est un véritable défi. Nous avons tous connu (et connaissons encore) les erreurs monumentales des sites de traduction automatique, dont celui de Google. Avec Babel, un traitement intermédiaire (la transformation de l'audio en texte, puis à nouveau en audio) ajoute des étapes fortement génératrices d'erreurs...
Microsoft travaille aussi sur la traduction en temps réel, comme nous l'avait expliqué début juillet Giovanni Mezgec, directeur de la division Skype (racheté par l'éditeur de Redmond). "Plusieurs équipes travaillent sur ce sujet, mais je ne peux pas vous en dire plus", nous avait-il confié. Apple, en parallèle de ses travaux sur l'assistant vocal Siri, aurait aussi prévu un service similaire.
Pourquoi "Babel" ?
Certains sociologues estiment que les guerres seraient moins nombreuses si tout le monde pouvait se comprendre sur Terre. Mais il est possible que la phase d'essai de ces technologies génère plus d'incompréhensions et de quiproquos que d'évolutions positives, dans un premier temps...
Le poisson de Babel fait référence à une espèce imaginaire dans le livre Le guide du voyageur galactique (ou "H2G2") de Douglas Adams : il faut s'enfoncer le petit animal jaune dans l'oreille pour comprendre n'importe quelle langue. Ce sera moins traumatisant avec Google ou Microsoft, dont il faudra "seulement" utiliser le logiciel sur son smartphone ou, pourquoi pas, sur son ordinateur. Les équipes de Google font aussi référence, par ricochet, à la tour de Babel dans la Bible : cette construction aurait été stoppée par Dieu car trop élevée. Il aurait ensuite réparti les hommes sur Terre après leur avoir créé plusieurs langues, pour qu'ils ne recommencent pas une telle entreprise. Alors, dès que Google Babel est disponible, on construit quelque chose tous ensemble ?
Guerric Poncet